Entretien vidéo. Faustine Bonnot nous parle de son métier multitâches et de son parcours. Le…
Je m’appelle José Segura. J’ai commencé ma carrière d’enseignant vers la fin des années 80, en Seine-St-Denis, département de la région parisienne. J’étais alors instituteur (c’était le terme à l’époque !) en école primaire.
Comme je suis d’origine espagnole, je me suis rapidement intéressé à la question de l’apprentissage des langues. Je me questionnais beaucoup sur la question du bi/plurilinguisme pour les enfants de migrants (comme moi). C’est probablement pour ça que très rapidement, après avoir enseigné dans des classes de différents niveaux, j’ai postulé pour un poste en CLIN (Classe d’initiation). Ces classes créées dans les années 70 permettaient aux enfants étrangers de bénéficier d’un apprentissage renforcé du français. Ensuite, j’ai intégré le département de l’Ariège, fin des années 90, en tant que professeur des écoles (on dit comme ça maintenant !).
Très vite, mon appétit des langues m’a rattrapé et j’ai été recruté pour mettre en place un dispositif itinérant pour les élèves non francophones scolarisés en écoles élémentaires et collèges du second degré. Dans les classes ordinaires, j’ai également enseigné l’espagnol aux enfants. J’ai aussi enseigné le FLE à des adultes dans des contextes variés, en établissement pénitentiaire ou aux parents d’élèves. Depuis 2010, je suis formateur au CASNAV de l’académie de Toulouse.
C’est une structure de l’Education nationale française qui s’occupe de favoriser la scolarisation et une bonne inclusion des élèves allophones. Je suis aussi co-auteur de la méthode pour enfants Zoom d’EMDL. J’interviens également comme expert du CIEP dans diverses formations en France ou à l’étranger, notamment le BELC.
Lorsqu’on a travaillé avec des élèves allophones, on sait très bien qu’ils ont déjà appris à parler dans leurs langues premières. Apprendre une autre langue, c’est aussi s’appuyer sur ces savoirs déjà construits. Nathalie Auger évoque les « universaux singuliers » : il existe des similitudes et des ponts entre les langues, exprimer la négation par exemple.
Or, très souvent notre école ne prend pas assez en compte ces ressources linguistiques de nos élèves voire les ignore. Ce n’est pas seulement vrai pour les enfants et les jeunes qui viennent d’arriver mais aussi pour ceux qui sont nés en France mais qui peuvent côtoyer d’autres langues à la maison. Pourtant, on aurait tout intérêt à mettre en place des approches plurielles des langues et cultures : éveil aux langues, comparaison des langues, intercompréhension en langues de mêmes familles, démarches interculturelle…
Ce n’est d’ailleurs pas qu’une question linguistique ou pédagogique, mais aussi éthique, philosophique, voire politique. Cela permet d’éduquer à l’altérité, à la connaissance de l’autre dans ce qu’il a de différent et de commun, il s’agit de construire des compétences plurilingues et pluriculturelles qui sont d’ailleurs préconisées par le CECRL. Bref, comme le rappelle Marie-Rose Moro , célèbre ethnopsychiatre qui a beaucoup travaillé sur la question des enfants de migrants, « Plus on renforce l’apprentissage de la langue maternelle, notamment à l’écrit, dans le cadre de cours complémentaires, plus on facilite celui de la langue seconde » et elle ajoute que cela peut aussi permettre de « reconnaître la légitimité des parents, la pluralité sociale et culturelle dont ils sont porteurs »
Les activités vont beaucoup dépendre des objectifs et des contextes que vous connaissez : école en France, apprenants de FLE dans un pays de la même nationalité, groupes de langues différentes, sections bilingues…Mais je dirais qu’il y a quelques constantes : ’autoriser le recours à sa langue maternelle à certains moments ; favoriser un va-et-vient entre diverses langues ; dédramatiser ces approches langagières en les abordant de manière ludique.
1) Etablir son répertoire langagier et sa biographie langagière : on va demander aux apprenants de réfléchir non seulement aux langues qu’ils parlent mais toutes les langues qu’ils ont pu côtoyer tout au long de leur vie, pas seulement leur langue maternelle ou celle apprise à l’école, mais aussi celles que l’on peut avoir seulement entendu sans forcément la comprendre (des voisins, la petite amie de vacances…), des langues qui auront plus ou moins d’importance mais qui seront là.
La représentation de cette introspection langagière pourra ensuite prendre différentes formes en fonction du public : texte ou graphique, par exemple, des couleurs et des formes à l’intérieur d’une silhouette de personne, ou d’un arbre ou d’une maison. Pour les plus jeunes, on réalise souvent la fleur des langues ou chaque pétale représente une des langues en présence.
2) Les noms et les prénoms. Il peut être intéressant de sensibiliser les élèves à la diversité des noms et prénoms de la classe et notamment aux relations graphie/phonie. Est-ce que certains se prononcent de manière différente de ce que l’on attendrait en français ? Pourquoi ? A quoi servent les prénoms ?
3) Une activité classique en éveil aux langues : les jours de la semaine. On donne des étiquettes des jours de la semaine en diverses langues, avec ou sans alphabet latin. Dans un premier temps, on rangera les étiquettes par langue, en explicitant les critères utilisés. On peut ainsi aborder des approches grammaticales autour des suffixes, le « di » , le « day », le « tach » etc… puis, on classera ensuite par ordre chronologique, la aussi avec explication des choix. On voit bien toute la richesse possible autour de cette activité.
4) Avec des plus jeunes, on pourra apprendre des comptines ou des chansons en différentes langues dans la mesure ou souvent les répertoires ont franchi les frontières : on trouve « Frère jacques » en français, espagnol mais aussi en allemand ou arabe…On peut en profiter pour ensuite placer ces comptines sur des mappemondes pour visualiser où sont parlées ces langues. Surtout, cela peut permettre de mettre à contribution les parents pour qu’ils puissent transmettre ces chants dans leurs langues.
5) Enfin, je finirai avec un peu de publicité pour le concours de Kamishibaï plurilingue de l’Association DULALA. Un Kamishibaï est une sorte de théâtre ambulant. On raconte des histoires en glissant des planches illustrées dans un castelet en bois : le butaï. Chaque planche met en scène un épisode de l’histoire, sur le côté recto on retrouve l’image et sur le côté verso un texte court et simple. Pour le concours, il s’agit d’écrire une histoire en y mélangeant différentes langues. On trouvera beaucoup d’exemples sur leur site.
On peut me retrouver sur les réseaux sociaux (Facebook : José Segura Pro), twitter, linkedin.
On peut consulter le site du CASNAV de l’Académie de Toulouse et notamment la rubrique consacrée au plurilinguisme (qui va encore s’étoffer) : https://disciplines.ac-toulouse.fr/casnav/ressources/s-appuyer-sur-les-competences-plurilingues-des-eleves
Quelques sites :
Le site des kamishibaïs plurilingues de DULALA
Enseigner en milieu pluriethnique et plurilingue (à télécharger brochure d’activités)
Activités EOLE en ligne
Photo de classe – Webdocumentaire : Si la diversité était une chance pour l’école