Proposé par la Délégation générale à la langue française et aux langues de France (Ministère…
Raphaële Masure nous présente la Caravane des dix mots et le métier de coordinatrice de projets culturels.
La Caravane des dix mots c’est un projet qui part du principe que la langue française appartient à tous ceux qui la parlent, et que cette communauté de locuteurs de français est riche d’une grande diversité culturelle et linguistique qui gagne à être connue. Chaque individu est porteur d’une culture, d’un imaginaire propre, qu’il exprime tout particulièrement à travers sa langue.
L’idée de la Caravane des dix mots est née à Lyon en France en 2003. Elle a germée sur un coin de table, à la terrasse ensoleillée d’un café à laquelle étaient assis Thierry Auzer, directeur du Théâtre des Asphodèles et quelques complices de la première heure. Ils voulaient organiser un événement culturel sur la langue française qui sorte des cercles « d’initiés » et touche plus largement la population. L’objectif était de donner la parole à tout le monde, en partant de « dix mots » déclencheur d’expression (les désormais fameux « dix mots » de l’opération annuelle de promotion de la langue française organisée par les organismes de politique linguistique des pays francophones). Thierry est monté à bord d’une camionnette pour faire le tour de la région Rhône-Alpes, accompagné d’un ami réalisateur et d’une caméra, pour « aller à la pêche au sens des mots, au-delà de leur propre définition, pour montrer la richesse et la diversité que tout être humain porte en lui ». Cette phrase définit le projet depuis ses débuts. Face à la richesse des témoignages recueillis lors de cette première Caravane, l’année suivante, le Théâtre des Asphodèles a renouvelé l’opération et organisé des ateliers artistiques avec ces « dix mots » pour permettre une expression plus sensible, et décomplexer le rapport que l’on peut avoir à la langue française en utilisant un détour artistique.
Le projet de la Caravane des dix mots est aujourd’hui partagé par des équipes artistiques francophones dans le monde entier, des compagnies, des centres culturels, des centres sociaux, des établissements scolaires, des associations aux missions diverses, etc. Chaque année, ces artistes vont à la rencontre des habitants de leur territoire en organisant des ateliers artistiques à partir de mots de la langue française puis ils réalisent un documentaire qui questionne le rapport à la langue française des habitants, et révèle ainsi la diversité culturelle de ce qu’on appelle la francophonie ! Les films sont rassemblés sur un DVD édité et diffusé chaque année dans le monde entier, et ils sont mis en ligne sur webtv.caravanedesdixmots.com
En 2005, le projet s’est internationalisé avec des Caravane des dix mots en Pologne, au Sénégal et en Vallée d’Aoste, région d’Italie où le français est langue officielle. Et puis en 2006, il y a eu 10 Caravanes, dont les équipes se sont rencontrées à Lyon et à Bucarest pour le 1er Forum international des Caravanes francophones, organisé dans le cadre environnemental du Sommet de la Francophonie qui se tenait en Roumanie. Aujourd’hui, en 2015, 40 projets de Caravanes des dix mots ont été « labellisés » et vont être réalisés, ou sont déjà en cours, sur 4 continents (Europe, Afrique, Amérique et Asie).
Cette communauté d’acteurs culturels francophones formée par les « Caravaniers » se mobilise et milite pour une francophonie des peuples, un espace public francophone permettant notamment davantage d’échanges culturels, qui se distingue de la Francophonie institutionnelle. Elle défend le droit de tous à l’expression de son identité culturelle et à l’accès à une pratique artistique, en se rattachant à un texte écrit en 2007, il s’agit de la Déclaration de Fribourg sur les droits culturels.
En tant que chargée de projet et de communication à la Caravane des dix mots je m’occupe de la coordination des différents projets de Caravane à distance, depuis les locaux de l’organisation qui sont à Lyon. Cela se résume en beaucoup de courriels et d’appels pour réussir à connaître les gens, puis réfléchir avec eux au montage de leur projet et à sa réalisation, et un tout petit peu d’administratif !
Je m’occupe également de la communication autour de ce beau projet. Nous avons un nouveau site Internet en cours de développement, une webTV, la « lettre d’information du dromadaire », etc. Nous traduisons actuellement en espagnol et en anglais notre plaquette de présentation, car c’est un projet francophone au sein duquel nous valorisons le plurilinguisme et nous considérons que des non-francophones doivent pouvoir avoir accéder à notre information. Je m’occupe de l’animation des réseaux sociaux qui sont une belle vitrine mais surtout une belle façon d’entrer en contact avec des personnes intéressées et motivées à travers le monde pour faire naître de nouveaux projets de Caravanes. Et je travaille aussi en lien avec les médias spécialisés.
Ensuite, selon les moments de l’année les missions diffèrent : en juillet je fais beaucoup de prospection, en août c’est la conception du coffret DVD qui me prend tout mon temps, en septembre nous recevons les projets, les étudions et échangeons avec les porteurs de projets, de janvier à juin je suis la mise en œuvre des ateliers et la réalisation des films. Et puis au-delà de ce calendrier annuel, la Caravane des dix mots organise des événements internationaux comme le Forum international des Caravanes des dix mots qui m’amène à me déplacer. Pendant trois mois tous les efforts sont concentrés sur la logistique et la communication événementielle et on s’envole ailleurs pour deux semaines. Le 5e Forum a eu lieu à Dakar, le 6e devrait se tenir à Antananarivo !
Et depuis quelques temps, la Caravane développe aussi des formations et des outils de sensibilisation à la francophonie pour les scolaires et les étudiants en France, à la rencontre desquels nous allons. Bref, pas le temps de s’ennuyer, les idées ne manquent pas et les perspectives d’échanges interculturels sont toujours quelque chose de stimulant qui rend mon métier passionnant !
Je l’inviterais à être curieuse, attentive, patiente mais surtout prête à se remettre en question. Cela peut paraître banal, mais c’est très important. Il faut aller au-delà de l’intérêt premier de la découverte d’autres cultures, d’autres personnes : il faut travailler ensemble. Et cela implique de questionner sans cesse et de modifier nos habitudes et schémas de pensée. Pas si simple !
Pour cela, les outils d’évaluation au regard des droits culturels développés par l’Université de Fribourg m’ont été très utiles. Dans un métier où la communication est au cœur de la réussite du projet, il faut peser ses mots et bien choisir les outils que l’on utilise. L’usage des courriels n’est pas le même selon les pays, l’accès à une connexion internet est parfois compliqué, on ne dit pas les mêmes choses à l’oral et à l’écrit, etc.