Bonjour à tous, Un petit article sur Nomino Education et le chemin vers l'internationalisation. Nomino…
Charlotte Berquin est responsable de projet pour l’ONG SolidarityNow, en Grèce. Elle coordonne des programmes éducatifs personnalisés et adaptés aux profils des apprenants qu’elle rencontre.
Bonjour Corentin ! Alors, je m’appelle Charlotte, je suis française, j’ai 35 ans et je vis en Grèce, à Thessalonique, avec mon conjoint et mes deux enfants, depuis un peu plus d’un an. J’ai une formation d’orthophoniste et d’enseignante FLE, avec une spécialisation en coopération internationale. Après avoir exercé en France en tant qu’orthophoniste libérale, j’ai travaillé à la fois comme orthophoniste et comme enseignante dans plusieurs pays (Burkina Faso, Colombie, Equateur), notamment dans le domaine de l’inclusion des élèves porteurs de handicap ou présentant des troubles sévères des apprentissages. Je travaille maintenant comme responsable de projet pour l’ONG “SolidarityNow”, dont l’objectif est d’aider et de soutenir les populations les plus touchées par les crises économique et humanitaire en Grèce. Depuis plusieurs années, je suis également orthophoniste volontaire pour l’association “Audition Solidarité”, qui organise des missions humanitaires à l’étranger afin d’appareiller des enfants défavorisés atteints de déficience auditive et de former les enseignants et les accompagnants à la prise en charge de ces élèves (Tunisie, Maroc, Madagascar, etc.).
Je dirige un programme d’accompagnement linguistique et culturel à destination des réfugiés et des migrants en Grèce, financé par l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie). Ce programme francophone comprend des cours de langue ainsi que des activités culturelles, destinés à favoriser l’insertion socio-professionnelle des réfugiés et des migrants. Il est destiné aux personnes souhaitant se rendre par la suite dans un pays francophone mais également à ceux qui souhaitent élargir leur répertoire de compétences pour trouver des opportunités professionnelles, en Grèce ou ailleurs. L’idée c’est de lier acquisition de compétences linguistiques et acquisition de compétences techniques, c’est pourquoi nous proposons à la fois des cours de langue et des activités spécifiques telles que cours de cuisine, séminaires de traduction/interprétariat, ou encore organisation de manifestations artistiques.
Dans ce programme, nous accompagnons également des enfants et adolescents francophones (majoritairement originaires de pays d’Afrique Centrale ou d’Afrique de l’Ouest), scolarisés dans le système éducatif grec, afin de les aider à s’intégrer en leur fournissant un accompagnement dans leur langue maternelle. Nous intervenons dans deux centres communautaires à Athènes et Thessalonique, ainsi que dans un camp au nord-est de Thessalonique.
Mes semaines se partagent donc entre l’organisation des cours et activités à destination des différents participants au programme, l’accompagnement et la supervision des autres intervenants du programme au niveau national, ainsi que les formations aux enseignants des écoles publiques grecques pour améliorer l’approche inclusive dans l’intégration scolaire des enfants et adolescents réfugiés et migrants. Il y a aussi tout le côté administratif et logistique concernant la gestion de programme (suivi et gestion du budget, commandes de matériel, recherche de partenaires et de financement, conception des rapports et supports de communication, etc.).
Une des difficultés principales lorsque l’on travaille avec des populations réfugiées ou migrantes est de mettre en place des programmes suffisamment souples et flexibles pour répondre au maximum aux différents besoins des destinataires, tout en proposant un contenu suffisamment structuré pour que les compétences visées soient rapidement acquises.
Du fait de l’instabilité et des fluctuations constantes dans la population de bénéficiaires, notamment du fait de la précarité de leurs conditions matérielles et psychosociales, il est indispensable d’adopter une approche holistique lors de la conception des programmes éducatifs. Il ne s’agit pas seulement de transmettre un nombre défini de compétences et de savoirs, mais de s’assurer que ces compétences correspondent aux réels besoins des apprenants.
Les programmes éducatifs “traditionnels” ne sont bien souvent pas adaptés aux besoins des enfants et adolescents qui arrivent dans un pays inconnu, dans une culture différente, après avoir traversé de nombreuses épreuves traumatisantes. Dans le contexte de la Grèce et de la “crise migratoire” vécue depuis 2016, l’éducation non-formelle a pris une importance très importante, même si l’objectif à moyen-terme est que tous les enfants intègrent le système éducatif national. Mais cette intégration doit se faire de manière accompagnée, à la fois pour les nouveaux arrivants mais également pour les enseignants grecs qui ne sont pas toujours formés à l’accueil de ces populations et aux adaptations pédagogiques que cela implique dans leur pratique quotidienne d’enseignants. Pour les adultes, l’objectif est de proposer des opportunités éducatives qui leur permettront de s’insérer plus facilement dans la société d’accueil et d’accéder plus facilement à une indépendance financière.
Il faut également être polyvalent et tenace dans la recherche de partenariats et de financements.
Je pense qu’il faut avant tout avoir le souci de s’adapter en permanence aux besoins des apprenants. Ne pas tenter de calquer des programmes “clé en main” mais partir d’une véritable analyse des besoins des destinataires. La clé c’est la flexibilité et la capacité d’adaptation ! C’est d’autant plus vrai lorsque l’on travaille avec des populations vulnérables, qui ont des besoins spécifiques. Il est indispensable d’être suffisamment souple pour respecter la diversité des besoins et définir des objectifs d’apprentissage adaptés.
Selon le type de programme, les contraintes contextuelles (matérielles, sécuritaires, culturelles, etc.) peuvent également être importantes et il faut savoir en tenir compte tout en exploitant au mieux les ressources disponibles. Je dirais donc qu’il faut savoir observer, analyser, comprendre le contexte dans lequel s’implante le programme que l’on souhaite mettre en place, et ensuite avoir de solides compétences de planification et de gestion. Il faut également savoir évaluer le déroulement et la pertinence des actions mises en place afin de les réajuster si nécessaire.
Enfin, le travail en équipe étant indispensable dans la mise en place de ce genre de programme, il faut savoir être diplomates pour que le travail de tous les partenaires soit complémentaire et participe à atteindre des objectifs communs.
Je pense que les pays européens doivent mener une réflexion approfondie concernant l’élaboration de nouvelles politiques linguistiques et éducatives pour améliorer l’accueil des populations réfugiées et migrantes. Je pense que les politiques éducatives doivent être plus inclusives, notamment concernant la reconnaissance des langues familiales à l’école, la mise en place de dispositifs d’accueil pour les élèves allophones, et la valorisation des répertoires plurilingues, entre autres.
Il est également indispensable de renforcer la coopération entre les systèmes éducatifs formels et les dispositifs non-formels afin de mettre en place des programmes spécifiques et adaptés pour accompagner l’intégration et améliorer l’accès pour tous à l’éducation et à l’emploi.
Je pense enfin qu’il est nécessaire de renforcer les coopérations à différents niveaux (internationales, communautaires, décentralisées) pour mener une réflexion commune autour des dispositifs pédagogiques nécessaires et améliorer la formation des enseignants dans le domaine de l’accueil de la diversité linguistique pour aller vers une éducation réellement plurilingue et interculturelle.