Le théâtre pour dédramatiser l’oral en classe

Il ne s’agit pas d’interpréter un rôle mais au contraire de faire tomber les masques !

Entretien avec Frédérique Treffandier.

le theatre pour dedramatiser l'oral lecafedufle

Bonjour Frédérique, pourriez-vous vous présenter ?

Bonjour ! Je travaille au CAVILAM – Alliance française et je suis responsable des formations. J’interviens dans différents domaines liés à la didactique et à la pédagogie du FLE. J’ai la chance de voyager beaucoup pour animer des formations. Par ailleurs, je conçois des ressources pédagogiques pour TV5MONDE et des éditeurs FLE. Je suis engagée dans de nombreux projets pédagogiques en partenariat avec le ministère des Affaires étrangères, l’Organisation internationale de la Francophonie et l’Institut français…

Pourquoi s’être intéressée au théâtre ?

Par passion et via ma formation initiale. J’ai fait du théâtre, étudié au sein du département d’études théâtrales de l’université de la Sorbonne nouvelle (Paris III) et collaboré avec le département « Arts du spectacle » du CNRS.

Quand j’ai commencé à enseigner la littérature à l’université, j’abordais mes cours de manière très cérébrale. Puis un jour, j’ai découvert le français langue étrangère et ma pratique s’est transformée. Il fallait incarner cette langue pour la partager. Reprendre contact avec toute sa dimension communicative et permettre aux apprenants de découvrir le potentiel expressif de leurs corps avant même d’aborder l’aspect linguistique.

Quelles étapes peut-on suivre afin de dédramatiser l’oral pour ses élèves avec des pratiques théâtrales ?

Si on a la chance de pouvoir animer un atelier d’activités théâtrales, voilà les étapes que l’on peut suivre : en premier lieu, il s’agit d’instaurer grâce à une série d’exercices une ambiance sereine et bienveillante. Chaque apprenant doit se sentir en confiance, à l’aise et détendu. Alors, tout d’abord, on se prépare à jouer. Et pour bien jouer, il faut savoir (bien) respirer, prendre conscience des différentes parties de son corps et de leurs rôles respectifs. Voici par exemple un exercice d’ouverture très simple à mener : « De la tête aux pieds » : le groupe d’apprenants est placé debout, en cercle. L’animateur/animatrice frictionne une partie de son corps en la nommant et invite les participants à l’imiter. Tour à tour, chaque participant propose une nouvelle partie du corps… L’échauffement se termine par des rotations des différentes articulations du corps, en commençant par le haut : la nuque, les épaules, les bras, les coudes, les poignets, les doigts, le bassin, les jambes, les genoux et les chevilles. Grâce à cet exercice, on relâche les tensions, on lève certaines inhibitions, on reprend contact avec son corps et on prend conscience de sa place dans le groupe.

D’autres activités servent à travailler la confiance et la concentration. Concernant cet aspect, voyons par exemple le jeu du « relais mystérieux » – les apprenants sont en cercle. L’animateur/animatrice propose un geste accompagné d’un son. Son/sa voisin.e reproduit ce geste et ce son, le fait passer à son voisin et ainsi de suite. Chaque membre du cercle doit reproduire le geste et le son que la personne qui le précède lui propose. Chacun a une manière un peu différente de voir le geste et de le reproduire. De ce fait le geste et le son se transforment progressivement. On fait ensuite passer un objet invisible de mains en mains parmi les participants. On ne le nomme pas mais les gestes et mimiques sont suffisamment clairs pour que chacun puisse visualiser l’objet. À la fin de chaque tour, les apprenants échangent leurs idées sur la nature de l’objet transmis. La première partie de ce jeu implique le corps et la voix. Mené avec rythme, il aide les apprenants à se libérer et à relâcher leurs tensions. Les apprenants sont dans l’action et non dans la contemplation des autres et d’eux-mêmes. La deuxième partie de l’activité libère l’expression et facilite la mobilisation et la mémorisation du lexique convoqué.

Viennent ensuite, les activités de découverte, les figurations collectives qui sont destinées à fédérer le groupe. Elles favorisent l’échange verbal et non verbal, permettent de développer l’écoute de l’autre. On facilite la répartition de la parole et on optimise l’occupation de l’espace. C’est le moment de trouver un mode de communication commun et efficace, d’apprivoiser les regards et de prendre plaisir au jeu collectif.

Voici un exemple de jeu : « Au quatre coins » – les apprenants sont en petits groupes. On divise l’espace de jeu en quatre parties. On attribue  à chaque groupe un espace et un lieu différent (l’hôpital, le supermarché, l’aéroport, le cirque, la gare, l’école, la rue etc.). Les groupes préparent une scène mimée. Quand ils sont prêts, les premiers participants présentent leur scène au reste du groupe. Les apprenants du public observent et quand ils pensent avoir deviné où se passe l’action, ils rejoignent les apprenants-acteurs et prennent part à la situation, toujours en version muette. Quand tous les apprenants sont sur scène, l’animateur frappe dans ses mains pour indiquer que les participants peuvent jouer en parlant. On peut faire varier les moments d’improvisation muette et parlée. Puis c’est au tour d’un autre groupe de présenter sa scène.

La dernière étape concerne les improvisations. Il s’agit de mises en situation guidées favorisant l’expression spontanée. Elles permettent aux participants de découvrir l’étendue de leurs moyens d’expression et de se détacher de l’imitation et du jeu de rôle en développant leur imagination créative. Voici par exemple une activité qui rencontre toujours un grand succès : « Les chefs de tribus » – Le meneur de jeu forme des groupes de quatre personnes. Deux participants jouent les rôles de deux chefs de tribu qui ne parlent pas la même langue : ils s’expriment en grommelot. Deux autres participants sont leurs interprètes et traduisent leurs propos afin qu’ils puissent se comprendre. Les interprètes doivent être à l’écoute de la prosodie, des intonations de leurs chefs et observer avec attention leurs gestes et attitudes. Les chefs ne peuvent pas contester les traductions de leurs interprètes puisqu’ils ne sont pas censés en comprendre le sens… Dans ce jeu, ce sont tour à tour les chefs et les interprètes qui mènent l’improvisation : parfois les « chefs » imposent une direction par leur jeu et à d’autres moments, les interprètes proposent une idée par leur interprétation. Les conversations souvent insolites et décalées sont l’occasion de confronter deux cultures imaginaires et donnent lieu à divers quiproquos suscitant les rires…

Si je devais donner le plan d’un atelier idéal, je dirais que d’abord, on dynamise (échauffement et mise en train), ensuite on explore (le corps et la voix dans l’espace) et enfin on improvise (la parole libérée).

Bien entendu, un atelier théâtral est un processus vivant. Le nombre, la nature, la durée et l’enchaînement des activités sont donc susceptibles de varier en fonction des profils, des réactions et des productions des participants. Le bref descriptif des activités proposées ici ne saurait se substituer au vécu d’une expérimentation collective. Alors, à vous de jouer !

Comment peut-on vous contacter ou en savoir plus sur vos travaux ?

Le plus simple, c’est de venir nous voir au CAVILAM – Alliance française.

https://www.cavilam.com/project/theatre-et-francais-langue-etrangere/

https://www.cavilam.com/

Je vous invite également à consulter l’ouvrage pratique Jeux de théâtre, écrit avec ma collègue Marjolaine Pierré et paru chez PUG. Vous y retrouverez des propositions de jeux simples à mettre en place dans vos classes.

Mon courriel : ftreffandier@cavilam.com

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